Un exemple d'installation du classeur C.COM au sein d'un CRF
Le classeur de communication C.COM est implanté depuis 2000 au sein d'une Clinique de Médecine Physique en région bordelaise. Cette implantation s'est appuyée sur la procédure spécifique de personnalisation, et de guidance des partenaires dans son utilisation. Elle a mobilisé l’ensemble du personnel de la structure, soignants et non soignants, en contact avec les patients aphasiques accueillis, dans une démarche transdisciplinaire.
Une des missions au sein d'un Centre de réadaptation fonctionnelle spécialisé est de recevoir des personnes aphasiques. Certains de ces patients souffrent d'une suspension du langage, entraînant un handicap sévère et douloureux de communication.
L'utilisation d'un support de communication adapté à la nature des troubles est alors le seul moyen de permettre des échanges. Le classeur de communication C.COM était un outil adapté. Il s'agissait d'un outil palliatif construit à partir d'un support informatique et de la photographie numérique. Il proposait une structure de base personnalisable et permet ainsi d'être au plus près des thèmes d'échanges quotidiens au sein de la structure. Les informations étaient illustrées par des photographies, organisées en catégories sémantiques. Le sens du message des interlocuteurs était identifié par pointages et la réponse juste identifiée par le partenaire de l'échange à partir de la validation ou du rejet de la cible par la personne aphasique : elle reste partenaire du projet de soins et des décisions qui la concernent. Rappelons nous qu'il s'agit d'une identification collaborative où le rôle actif du partenaire est déterminant.
Objectifs :
Afin de rétablir une communication entre les patients aphasiques et les membres de la structure malgré les troubles du langage l'objectif est donc d'entreprendre des adaptations précises du C.COM de base, de diffuser les classeurs obtenus dans le Centre, puis de former le personnel aux troubles liés à l'aphasie et aux principes d'utilisation d'un outil palliatif de communication et d'organiser des mises en situation pratiques.
Méthodologie :
Les adaptations du C.COM de base :
Adapter le classeur de base au centre d'accueil exige d'une part d'y intégrer les éléments spécifiques propres à la structure et aux soins, par des photos complémentaires.
Adapter le centre au handicap des patients, et l'équiper de classeurs personnalisés demande d'autre part :
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D'identifier les lieux fréquentés par les patients aphasiques.
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De définir les thèmes d'échanges et les besoins spécifiques de chacun : patients et partenaires institutionnels.
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Puis de créer pour chaque lieu concerné un classeur spécifique.
L'implication des interlocuteurs de nos patients présentait également l'avantage de mobiliser leur intérêt autour de la qualité des échanges malgré les troubles aphasiques.
Les sessions de formation des interlocuteurs :
- Utiliser un outil palliatif de communication signifie identifier les incapacités qu'entraînent les troubles, afin de savoir l'utiliser lorsque la situation l'exige.
- Cela signifie également faire connaître l'outil lui-même et sa manipulation.
- Enfin, le rôle actif du partenaire est primordial dans son utilisation et conditionne son efficacité.
Il nous fallait donc sensibiliser et former rééducateurs, soignants, personnel d'accueil hôtelier et administratif, aux échanges avec un patient aphasique, sous la forme de sessions d'information pour toute personne concernée, ayant pour thème les bases fonctionnelles de la communication, la nature du handicap aphasique et ses conséquences, comment le contourner et enfin une présentation de l'outil palliatif C.COM avec mise en situation pratique.
Recueillir l'opinion du personnel vis à vis du contenu de la formation et de l'utilisation de l'outil, par la création d'un questionnaire.
Résultats au sein d'une clinique de médecine physique et de réadaptation de la région bordelaise :
Les classeurs personnalisés :
Une première adaptation du classeur de base nous a permis d'obtenir le classeur initial de la Clinique. Nous avons procédé à des modifications ponctuelles des planches existantes ainsi qu'à la création de planches complémentaires, ajustées aux échanges quotidiens au sein de la Clinique.
Ce classeur a été diffusé dans les différents services de rééducation : orthophonie, psychomotricité, ergothérapie, kinésithérapie.
D'autres adaptations étaient indispensables, en fonction des thèmes d'échanges particuliers attachés aux lieux fréquentés par les patients. Ainsi, 6 lieux ont été identifiés : les postes de soin des 2 étages d'hospitalisation spécifiques, le comptoir d'accueil, le secrétariat médical, le restaurant et les serveuses, les diététiciennes, le bar.
Chacun a été équipé d'un classeur spécifiquement construit.
Des sessions de formation :
Une première formation comportant 23 sessions d'une heure ont été organisées dans 3 secteurs d'activités :
- Administration et secrétaires médicales, standardistes, personnel d'accueil, diététiciennes, serveuses.
- Rééducation : rééducateurs.
- Hospitalisation : médecins spécialistes, médecins omnipraticiens, infirmières et aides soignantes, brancardiers, manipulatrice en radiologie.
Trois mois après la formation, un échantillon représentatif d'utilisateurs institutionnels a été interrogé.
Pour 93.4 % d'entre eux, l'outil adapté initial est efficace pour faciliter la communication
95.6 % l'estiment aisé à manipuler.
On constate que les troubles de compréhension des patients restent légèrement sous-estimés : 86.9% le pensent utile pour accéder au sens du message du patient, contre 82.6% des sondés qui le jugent utile pour se faire comprendre du patient.
Plusieurs sessions de formations ont été organisées au fil du temps : une seconde en 2006, puis 2009 et 2014.
Conclusion :
Dans la transmission d'informations, les atteintes de la communication liées à l'aphasie handicapent autant le patient que son partenaire.
Le support de la photographie, l'adaptation de l'outil de base au centre d'accueil et du centre au trouble aphasique, et le pilotage de l'échange par le partenaire sain permettent de lever les obstacles.
Seul un travail transdisciplinaire étroit peut conduire au maintien de la communication, chacun mettant ses compétences au service du patient, et chaque partenaire institutionnel se sentant concerné par l'amélioration de la qualité des échanges.
Le travail de formation est un travail transversal à reprendre régulièrement. Cette nécessité est liée aux mouvements de personnels, mais également au souci de maintenir le désir de communiquer, entretenir et développer notre compétence, malgré des troubles très spécifiques liés à l'aphasie qui restent souvent difficiles à estimer par l'interlocuteur.
En pratique clinique, et dans les conditions ci-dessus développées, un support de communication montre au quotidien son efficacité.
Une étude scientifique, le PHRC APHACOM, a permis entre 2008 et 2012 de valider l'efficacité du C.COM dans la réparation de la communication pragmatique dans la cadre de l'aphasie sévère, auprès d'équipes formées à son utilisation.